Il faisait si noir, cette nuit là, sur ces routes de
campagne.
La nuit, quelques fois, est plus sombre à certains endroits qu'à
d'autres.
Le noir, plus noir que lui même, existe vraiment, là-bas...
Les arbres s'habillent de ce costume qui fait peur aux enfants ou qui ravit les
grands.
Les champs sont parés presque tous à l'identique de cette couleur qui n'existe
pas .
Le noir est bien vivant cependant et pourtant il sent la
mort...
Les maisons ne respirent plus. Elles sont comme posées au milieu de cette nature
toute foncée. En tendant l'oreille, on les entendrait presque supplier que le jour rennaisse enfin...
Et le vent... Le vent s'enrichit du froid grandissant. Il impose sa loi en étant
le plus puissant.
Nous, nous roulons, bien à l'abri de ce néant. Les roues ne touchant presque pas
l'asphalte qui se déroule devant nous. Cette ligne blanche défile à peine éclairée de la lumière des phares qui rappelle le soleil.
A croire que ses rayons fantômes nous réchaufferaient presque à l'intérieur de
cet habitacle.
Collés l'un contre l'autre, nous rentrons...
J'observe ses mains sur le volant. Son regard qui se perd dans le noir
...
Ses jambes allongées... Ses cuisses. Humm, la vue de ses cuisses
puissantes!
Il est calme, concentré sur sa route. Attentif... Pausé.
Le bout du monde, avec lui, c'est tout à côté...
Les lacets de cette route sinueuse deviennent plats. Les côtes se transforment
en descentes. La route n'est plus... Il est la route...
Les minutes sont des heures près de lui... Le temps s'arrête.
Pourtant je la maudit...
Cette nuit qui jamais ne finit...
Puis, le décor change... Le noir se meurt enfin.
La vie reprend le dessus. Les batisses s'illuminent de leurs pierres apparentes.
Les mots écrits reviennent...
Les couleurs s'imposent. Bleu, blanc... Lumière Maestro! On aurait presque mal
aux yeux.
L'autoroute, nous tend les bras. Il tend le sien, prend le
ticket...
Je sors de ma douce torpeur avec ce vent glacial qui me
pénêtre.
La vitesse grandit... Plus encore...
Garder son sang froid alors que le mien est si chaud...
Le gardera-t-il ? LUI ? Jusqu'ou aurais-je confiance en
lui?
Envie de voir, te tester sa résistance...
Garder les yeux ouverts quoi qu'il arrive.
Quoi qu'il se passe... Envie de lui... Là, maintenant, tout de suite. Comme ces
bêtes sauvages cachées dans les bois, qui n'ont pas traversé notre route perdue au milieu de la nuit.
La ceinture de sécurité le coince. L'accoudoir m'empêche...
Je me fais plus souple, me hisse, je tends mon corps quelque peu engourdi de
tant de kilomêtres... Ne pas le déranger surtout. Ne pas le géner... Juste arriver, là, sans qu'il ne sente aucune pression. Elastique, je suis ce soir...
Je ne peux le prendre en entier dans ma bouche. Oh! Satanée
ceinture!
Je te maudit toi aussi.
Je tente à nouveau . J'y suis enfin...Ma salive mouille sa chemise. Il est
chaud. Bon.
J'aime...Voici que les fenêtres arrière s'ouvrent toutes seules... Le vent entre
à nouveau chez nous. Voici qu'il arrive aussi par l'avant maintenant!
Et tout virevolte ! De l'air cela fait du bien...
Il ne dit rien... Il savoure. Je le déguste à l'infini comme je peux, ainsi
coincée entre le cuir et lui.
Ma langue trouve le chemin... Mes lêvres deviennent leurs jumelles. Un tracé
inconnu se dessine. Un chemin de salive qui effleure à peine suivant une certaine longueur bien définie. J'aimerai tant le sentir pénétrer ma gorge. Mais, je ne peux pas
plus...
Je referme les fenêtres. Je regarde le compteur...
Je vois... 160 km/h ...
Je replonge dans les méandres du plaisir de notre nuit.
Il fait à nouveau chaud... J'ai très chaud...
Son corps se raidit... Ses cuissent se contractent... Ah, ses
cuisses!
Ses bras se tendent sur le volant.
J'entoure son gland rapidement de ma bouche brûlante.
Non, je ne perdrais rien...
Sa semence se répend sur ma langue...J'aspire... Je déguste...J'avale.
Il est si bon...
Il n'a pas dévié de sa trajectoire... Ni ralenti... (Moi non plus!)
Ni fermé les yeux... Moi si...
Concentré il a été jusqu'au bout du bout... Je le savais!
C'est ça... La confiance à 160 km à l'heure... cela va même au
delà...
Vos mots...